Level 5 : MALIA ( poète ) VS ARKHAM ( écrivain ) [Championnat 2]

Lola

Depuis sa naissance Lola rêve de gloire,
D’un destin étoilé que ses sœurs envieraient.
Elle sème l’espoir dans son jardin secret
Pour faire de sa vie la plus belle histoire.

Elle est la cadette d’une fratrie nombreuse,
Celle que ses parents n’avaient pas désirée.
Ils ne voulaient pas d’une autre bouche affamée
Mais malgré la misère, Lola est heureuse.

Elle croit naïvement à la providence
Mais elle n’est pas bien née, c’est une évidence.
Pourtant, Lola espère encore. Elle sait que l’avenir est un voile de brume où l’on nage en aveugle, elle sait que sous ce voile se cache des destins, et elle espère pouvoir trouver celui qu’elle veut. Quand son ventre gargouille, ses rêves reviennent à elle, et quand le pain moisi acidule sa langue, quand il crisse sous ses dents, elle le voit couvert du sable taquin des plages les plus pures. Quand l’eau monte à ses lèvres, cette eau marron, terreuse, elle y voit le reflet du lit d’un ruisseau, et son odeur n’est autre que l’odeur des prairies. Elle la boit, puis se retourne, et court. Et quand elle court, ce n’est pas au milieu d’un champ dévasté, ce n’est pas sous la chaleur torride d’une sécheresse persistante, c’est au milieu des foules, sous les acclamations, c’est sous des trombes d’eau rafraîchissantes, c’est pour rejoindre son sublime amant. Quand Lola court, elle court ses rêves.

Lola n’est jamais seule, car ses aînées la suivent partout, la réprimandent, la font travailler. Si elles savaient… Lola attend la gloire, et dans sa gloire, un peu de sa lumière éclairera ses sœurs, sa famille, qui la regardera béatement dans ses robes somptueuses et dans la splendeur de son règne. Sous les paillettes, plus de travail, alors en rêvant des paillettes, Lola ne travaille pas. Son corps travaille, mais pas elle ; non, elle est heureuse car la gloire est au pas de sa porte, au seuil de ses attentes.

Même quand elle est malade, Lola en est contente, le monde quitte ses pieds et vient à son chevet, où Lola le rassure d’un sourire fatigué qu’elle veut resplendissant. Sur son lit d’infortune, baldaquin de chaumière, sa fièvre est celle du monde. Le pain rassis est un médicament, ce n’est pas bon, mais il faut le prendre, lui dit son infirmière. Alors elle le prend.

Elle n’est pas bien née, mais elle est bien rêveuse. Dans sa fratrie nombreuse, Lola n’est jamais là. Dans son jardin secret, à penser à sa gloire, Lola oublie sa vie, elle oublie son présent, et elle oublie de vivre. Et puis, le soir venu, Lola ne rêve plus.

Quand elle s’endort, elle est déjà loin…