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Histoire d'enfants.

Un jeune enfant marchait dans les sombres prairies. Il ne savait rien du monde, il venait de naître du ventre de sa mère. C’est le fils de personne, un bâtard. Un fils corrompus et impur, indigne d’être regardé. Chassé à l’âge improbable de dix hivers, il se retrouvait seul, voguant à travers les arbres. C’était l’antichambre des enfers Blancs. Seule la mort l’attendait de l’autre coté. Pourtant, la Mort pour lui, c’était une porte, non, une arche vers la liberté. Traînant les pieds, engourdis par le froid éternel et glacial de cette nuit sans éclats de soleil. Les hurlements des bêtes, loups garou ou autre, venaient glacer le sang, gercer les paupières et les lèvres. Tout devait devenir blanc, immaculé, pour refléter enfin l’éclat de son astre, à Elle.

La fabuleuse, la grandiose, la blafarde annonciatrice d’innombrables mots et maux et, qui pourfendait de son œil unique et morne, la prairie endormie. C’était l’une… l’une d’Elles. C'est un mot que l'on écris, que l'on ne dit pas. C'est un mot qui nous bouleverse, nous renverse. Nous fais tomber. C'est l'ivresse prenante et débordante d'amour, qui la fait valser, tourbillonner, ne pouvant interrompre sa douloureuse valse. Vomissant une bile de brisures poussiéreuses. Crachant son amertume à la face de la terre.

Que pouvait un enfant contre cette Mère des Neiges. Contre son oppressant pouvoir de corruption ? Il pouvait rire aux éclats, se moquer, ou se terrer, toujours plus profond au fond de son âme. À couvert entre une envie de fuir et d’affronter ce fabuleux regard. Glacée dans sa morne immobilité naturelle, elle voyait tout, épiait chacun de vos gestes, vous… car vous avez peur de lire ce qui suit. Qui sait peut être qu’un jour, une fois, ce jeune garçon, ce sera votre fils. Peut être que ce sera vous. Perdu dans le bois Noir, frissonnant de froid, de peur.

Que c’est beau le sang sur la neige, que c’est jolie le corps déchiqueté du jeune garçon sur les milliards de milliards de milliards de flocons. Et Elle ! Inquisitrice, montrant de son éclat le crime affreux, elle n’y pouvait rien, depuis toujours, c’était ainsi. Elle passait sa vie à pleurer. Car elle-même était un enfant, mort ensanglantée de crimes, écorchée face à face avec l’Univers. Elle dévoilait son atroce manque. Les cratères sur sa peau ruisselaient de larmes. Elle s'étouffait dans l'absence de souffle. Son chant se transforme, se métamorphose en plainte. L'espace devenait alors un gouffre. Elle était, semblait-il, la seule étoile de l'univers; à étinceler de sa clarté. Montrant les deux faces de sa personnalité. Le coté sombre, parcouru de frissons et d'Ombres. Le coté brulé par le soleil, séchant des larmes inavouées. L'espace d'une seconde, on entend le Silence de sa mort en sursit. Comme on entend le râle de l'enfant qui se meurt.

Plénitude

C'était un beau soir d'été, elle, jeune fille d'à peine quinze ans, se promenant entre les diverses collines qui s'offraient à elle, cheveux au vent, vire-voltant de toutes part, alors que celle-ci était entourée de diverses arbres plus révélateurs de leur manifiscence que jamais. Elle marchait, lentement, flânant sans but précis, scrutant les alentours dans un élan foudroyant, quand une lumière intense, l'éblouissant de ses irradiations, captiva son attention. Cette lueur apaisante, irradiait de sa seule présence la contrée tout entière qui, sans elle n'était que vague ombres dans un monde drastique.
Une beauté à en couper le souffle se présentait dès lors à la jeune jouvencelle, la fascinant par la même occasion, alors qu'elle contemplait avec admiration, cet astre d'une claire-voyance insondable.

Qu'était-elle donc, elle, pauvre adolescente à problème face à cette forme ronde, d'une clarté enjôleuse ?

Futilité...lui chuchotait alors avec certitude, son esprit de jeune enfant perdue, lorsque celle-ci considérait avec avidité cette création de la nature inégalable. Les jais de lumières que projetaient l'astre divin, se reflétaient avec grâce sur chacune des feuilles dont étaient dotés les arbres aux alentours, laissant ainsi monter une chaleur inconnue, dans son coeur encore inexpérimenté, à la simple vue de se spectacle délivrant. Ses yeux brillaient de plaisirs rien qu'en apercevant la présence de ce corps céleste, alors qu'un sourire clinquant se dessinait sur le bout de ses lèvres abîmées, étirant dans ce même geste la commissure de ses fines lèvres.

Les minutes passèrent ainsi, pendant que de ses yeux ébahis, la jeune fille scrutait avec une joie et une plénitude prononcée, l'astre qui avait prit place dans le ciel, lors de sa haute saison. Soudain, des nuages firent s leur apparition, cachant par moitié l'objet de toutes ses réjouissances. Malgré le voile obstruant que dégageaient les nuages, la jeune fille put toute de même apercevoir les magnifiques reflets que son bel astre laissait apparaitre du bout de ses jais de lumières. Les nuages noir, dut à l'obscurité de la nuit, étaient parsemés de diverses teintes, qui eux n'étaient alors que le reflet des éclats du corps céleste qui les surplombaient. jaune, gris, orangé, différentes variantes s'étalaient devant les yeux songeurs de l'adolescente qui s'émerveillait plus encore devant ce spectacle enivrant. Les larmes lui montèrent instinctivement aux coins des yeux, recouvrant rapidement à ce même instant, ses beaux yeux bleus dont la nature elle même l'avait doté.

Elle pleurait, mais la tristesse n'était en rien maitresse de cette subite démarcation d'émotions, non, la joie en avait dopé le processus. Elle était Euphorique à la simple vue de ce spectacle si cher à ses yeux, elle, qui jusqu'ici n'avait vue que horreur et démence lors de sa courte existence d'adolescente mal dans sa peau. Elle découvrait alors pour la première fois de sa vie, quelque chose qui en valait la peine. Rester en vie, subsister juste pour ressentir ces sentiment une nouvelle fois encore, lui réchauffait le coeur comme jamais auparavant celui-ci ne l'avait été.

Essuyant ensuite les myriades de larmes qui s'étaient étalées en bon nombres sur son beau visage, elle s'allongea dans l'herbe fraîche et d'un vert bruni, qui jonchait alors le sol. Les bras écartés, elle fixait toujours le ciel, où ses yeux vagabondaient de part et d'autres de celui-ci, mais revenant toujours se poser sur la forme ronde qui se dressait face à elle. Elle sourit une fois encore lorsqu'elle posa son regard une nouvelle fois sur l'astre, puis ferma les yeux pour finalement s'endormir quelques minutes plus tard, le coeur remplis d'une plénitude bouleversante, sous l'oeil bien veillant de son astre consolateur.

Mon coeur battait dans ma poitrine endolorie. Dix minutes que je courais sans m'arrêter, laissant derrière moi les larmes d'un désespoir que je ne pouvais contenir plus longtemps. Le vent sur ma figure les séchait presque aussitôt, mais je sentais les embruns salés sur mes lèvres gercées, doux parfum d'amertume me rappelant une sourde douleur. Un peu de ma souffrance s'envolait derrière mois au rythme effréné de ma course vers l'infini, et mes pensées s'apaisaient dans la fraicheur de la nuit. Je ralentis ma cadence, ouvrant la bouche pour respirer cet air doux qui seul arrivait à me calmer. Je fermais les yeux, mes pieds nus foulants d'eux mêmes le lit de feuilles mortes de ce sentier perdu. Mes jambes évitaient machinalement les racines narquoises dont l'emplacement exact m'était depuis longtemps connu, et le paysage nocturne défilait dans ma tête sans que j'ai besoin de le voir. Bientôt, je m'arrêtai, et je sus que j'étais arrivé.
Alors j'ouvris un oeil, puis deux, m'enivrant de cette beauté farouche dont je ne me lassais pas. Je me laissai tomber dans l'herbe, dérangeant un grillon qui coassa un peu plus fort de mécontentement, dérangeant une nature que je m'appropriai. Les herbes folles me chatouillèrent les narines quand je m'allongeai, et je sentis une humidité agréable pénétrer dans mes vêtements ; un frisson remonta le long de mon échine, baignant ma nuque d'une caresse impromptue. Un papillon de nuit se posa sur mon nez ; j'observai en louchant quelque peu les nervures fragiles de ses ailes poudreuses et délicates. L'air sentait la résine et la lavande. Une petite bise soufflait sur le plateau, agitant les aiguilles de pins qui murmuraient entre elles. Fermant les yeux, j'écoutai la nuit déployer son manteau de velours noir sur la vallée, noyant toutes les choses dans son silence d'un temps. Je me sentis intensément petit et à la fois très grand dans cette immensité. Je posai mes mains sur mon ventre, laissant le bruit de ma respiration emplir ma tête. J'entrouvris bientôt les paupières, explorant des yeux le firmament qui s'étendait au dessus de moi.
Un disque d'or et d'argent brillait dans le ciel, exposant sa pâle face aux regards des étoiles. Sa lueur blanchâtre rayonnait partout, donnant un aspect fantomatique et irréel aux êtres de la nuit qui dérangeaient de temps à autre mon étrange contemplation. Tout était plongé dans des nuances nacrées, et les silhouettes s'étiolaient dans la nuit comme des ombres mouvantes, courant d'une fleur qui pour la nuit fermait ses douces pétales à un roseau fragile encore tout flétri. Les nuages jouaient avec l'astre de mes songes, promenant leurs nuances de gris dans un ciel d'encre et de saphir, passant tout à coup devant l'étoile de notre planète qui se retrouvait alors morcelée pour un instant. Mon regard se perdit sur ces dégradés cotonneux, voguant très loin de mon corps dans d'infinies mers d'argent où seuls savent voguer les bateaux enfantins, avec à leurs têtes des capitaines déçus et des matelots perdus. Le ciel se reflétait dans mes yeux grands ouverts, et mon âme s'envolait très haut, au bord de ces cratères bleus béants qui parsemaient la pupille de la nuit. Mes jambes se balançaient dans le vide, et mes mains caressaient cette surface lisse et marbrée sur laquelle j'étais étendu dans mes rêves les plus fous. J'attrapais les nuages dans ma main, les laissant glisser au bout de mes doigts en y laissant les gouttes d'une rosée qui apaisait mon âme et guérissait mes blessures.
J'étais enfin libre, pourvu d'une puissance folle, empli d'une euphorie que je n'expliquais pas et qui me faisait pousser des ailes. Je voulais m'envoler vers cet astre puissant, puis poser mes lèvres froides et glacées sur sa peau minérale, embrassant un monde inaccessible que cacheraient encore des voiles cristallins. Je saurais apprivoiser ce quartz délicat, le laisser s'approcher pour le capturer dans le creux de ma paume. Il serait adopté, et je deviendrai pour une nuit seulement le maître de ces cieux, poursuivant des nuages aux formes d'animaux, cueillant les étoiles comme des fruits défendus.
La fin de mon espoir approchait pourtant, et je sentis le vent de mes folles utopies se perdre dans la vallée s'éclairant peu à peu... La pierre de mes songes perdit bientôt de son éclat, et palissait encore quand grandit l'aube rouge, disparaissant pour un jour dans l'oubli comme un caillou perdu. Ma capture insensée était finie, mais je savais que je reprendrai ma quête quand le rouge se morfondra dans des tons plus violets.

Le sourire quitte mes lèvres, et ma poitrine s'enfle soudain d'un sanglot émergé, attendant pour disparaître une prochaine marée...

Comme les vaporeuses figures d'un rêve...


Alors que l’après-midi touchait à sa fin, le vent charriait des odeurs vanillées. Elles me remémoraient l’époque insouciante où je venais sentir ici le repos, à travers un bonheur toujours immuable. Car ce petit lieu de recueillement et de nostalgie m’avait toujours surpris. Il semblait m’apprendre les arcanes d’une religion dont il était le grand prêtre, et je m’enivrais de cette sensation envahissante lorsque je m’y réfugiais, la sensation de pouvoir quintessencier ce monde du rêve et de la réflexion duquel j’apprenais à devenir le maître.

Paisiblement, le ciel se glauquait en des teintes d’aquarium, laissant froidement à mes yeux la contemplation d’un vaste étang de glace.

J’étais comme happé par un soudain sentiment de désolation. Admirant plus ardemment les nuées, des sensations reviviscentes de cette montagne, gardienne chryséléphantine du monde que je m’étais bâti loin des sentiers obliques, venaient me réconforter. Car les palaces marmoréens, avec leur richesse froide, ne valent jamais les petits coins perdus d’un paradis, tel que l’était celui-ci, où les paysages resplendissaient, tandis que toute la nature, tantôt plongée dans un silence frais, tantôt grouillante d’activité, me subjuguait.

De là, je sentais en moi une telle joie, pourtant si simple, que tout mon être en frétillait d’exaltation. Il m’apparaissait que j’étais chez moi. Je retrouvais de vieux amis. Un sapin me saluait de toute sa hauteur, tandis que des oiseaux me chantaient la bienvenue. Ils m’enceignaient de leur réconfort bienveillant dont le charme mystique me submergeait totalement.

Maintenant que la nuit était tombée, je tentai de dormir. Quelques étoiles scintillaient dans la torpeur bleue du ciel. Puis, les arbres étaient lentement balayés par le vent. Le flambeau suprême dont la lueur blafarde semblait, extatique, m'emporter au loin dans un univers de solitude enchanteresse, m'illuminait de sa pénombre, dont les filets d'argent se heurtaient aux feuilles. Je le sentis alors me remplir les poumons d’un air sec et âpre. C’était une odeur inconnue qui me fit tousser et me relever de surprise. Un son étrange se fit peu après entendre. Si proche, si lointain, à l’autre bout du monde, né des grandes plaines blanches et vertes et des torrents mugissant. C’était un cri mystique et bestiale, la prémisse de l’effroi, de l’épouvante, et de la mort. Toute l'extase s'était maintenant tournée, la peur au ventre, vers un échappatoire à la prison lunaire.

A la naissance au ciel éclairé.




Comme dans un cocon, je me sentais enveloppée de sérénité . La battement de la sève me courait dans le dos tandis que l'écorce chaude me caressait la peau.
Les branches surplombaient mon visage, ne laissant à mes yeux qu'une parcelle de ciel où brillait tout les espoirs d'un monde déchu.
Les mains vaporeuses d'une brise d'été s'amusaient à voir voler ma chevelure, enmêlant leurs doigts éfilés dans les profondeurs de ma crinière.
J'étais au centre du monde , dans un ventre abandonné que seule la lumière d'une princesse Argentée venait nimber d'une auréole de rêve, reliant un monde à l'autre.
Son filet de lumière s'étirait sur le paysage comme une couverture que l'on aurait posé tendrement sur son enfant.
La véritable face des choses s'en trouvait ainsi découverte malgré l'obscurité récurante de la nuit : Une fleur, fluette, apparaissait maintenant comme une reine, laissant sa majesté s'éxiber devant l'opale.
Je redécouvrais le monde dans une candeur aussi pure que celle d'un nouveau né.
Mes sens se tenaient en éveil et subissaient un émois grisant que l'euphorie ambiante, aussi douce soit elle, exitait au plus haut point.
Embruns nouveaux, L'odeur d'une fine pluie s'est distillée dans mes narines et la terre, lavée de ses peché, criait sa fraicheur.
C'est comme ce parfum, celui que l'on sens après une averse, les pieds nus plantés dans l'herbe encore mouillée et qui nous transporte vers une énergie nouvelle.
Le chant d'un amour nocturne s'est profilé à mes oreilles. Le son du silence dansait autour de moi laissant échapée un cri plaintif, de celui que l'on dérange.
Cette musique rythmait un coeur interne , en osmose avec le mien.
Pendant que mes yeux se tenaient rivés sur la Madonne aérienne, Je caressais le sol, terreau de toute une vie.
Je plantais mes racines pour sentir cette force vitale qui, depuis toujours, coule sous nos pieds, construisant les veines du monde.
Le menton vers le ciel, le cou plié, j'essayais de comprendre. Tant de questions restaient asséchées, le flot de réponses inexistant.
Planète morte ou mère éplorée, ce disque de fer intriguait mes pensées.
Aussi longtemps que puisse remontée ma mémoire, c'eut été dans la nature des hommes de s'interroger sur les grands mystères d'un univers en suspend au dessus de leur tête.
En pleine méditation , je sentis une goute d'eau s'écraser sur ma joue, larme artificielle qu'un ange m'envoyait.
Elle coula sur le coin de ma bouche, se frayant un chemin jusqu'au lit de ma langue.
Et la pluie se fît torrent, véritable déluge se déversant sur un paysage à la blancheur noiratre.
Ma vision brouillée, image d'un miroir, je la vis se perdre parmis les nuages , la face mise en lambeau par ces écharpes de brume.
Alors elle disparu ,emportant avec elle mes yeux d'aveugle et plongeant à nouveau ma vie dans le noir de l'ignorance.

Le rendez-vous

Face à elle, je ne suis pas moi. Peut-être que face à elle, je ne suis même pas. Sa grandeur m'écrase. Sa beauté me saute à la gorge et m'étouffe. Elle. L'œil au-dessus des champs, des villes, des lacs et des océans. L'œil de la nuit, l'œil au battement de paupière si régulier, et si lent.

Cette nuit n'est pas une nuit comme les autres. Je me suis enfui. J'ai ouvert ma fenêtre, escaladé le mur, sauté par-dessus le portail, pour aller la voir. Elle l'ignore, mais nous avons rendez-vous. Ce soir l'œil est ouvert. Je suis certain qu'elle me verra. J'ai parcouru presque deux kilomètres pour elle, à travers les rues, puis les ruelles, puis les rares fermes, puis le vide enfin. Le vide des champs, dans le rire des grenouilles et le souffle des blés. Dans les herbes folles, mon pantalon claque au vent, mon tee-shirt fouette ma peau frissonnante. Je frissonne de froid. D'excitation. Et de crainte, aussi. Face à moi, dans les airs, ne passent que des nuages. Bon sang, où est-elle ? Se cache-t-elle là, si loin et si près de moi, juste derrière eux ? Pourquoi se fait-elle attendre ? Sait-elle que nous avons rendez-vous ?

Pourvu, oui pourvu qu'elle ne m'abandonne pas. J'ai tant besoin de la voir...

Je discerne soudain son halo. Bien sûr, c'est pour ça qu'elle est en retard ! Suis-je bête ! Et dire que j'ai douté d'elle... Je suis parfois lamentable. Elle ne fait que se préparer. Enfiler sa robe, farder ses joues, tout cela pour paraître plus belle. Allons, ma chère amie, ne soit pas stupide ! J'aime tes cratères ! J'aime tes sillons, les traces de ta si longue et si mouvementée existence... Tes imperfections ne sont que perfection de l'image, enfin ! Allez, allez, allez, montre-toi mon adorée ! Je t'attends !

Ça y est, elle apparaît. Elle jette un furtif regard derrière le voile. L'espace d'un instant, entre deux cumulus je l'entrevoie. Elle observe le parterre. Viens, viens, il n'y a que moi ici ! Ce soir, nous ne somme là que l'un pour l'autre ! Enfin !

Elle semble avoir entendu. Cet instant est magique. Alors que le souffleur m'entoure et me pénètre, soufflant comme seul un souffleur sait souffler, elle écarte les nuages. Elle vient, petit à petit. Une joue, puis l'autre.

Je la vois.

Elle est finalement sortie de sa loge. Les rideaux bougent, dansent, vaquent autour d'elle ; mais elle tient bon. Elle reste là, sa puissance m'envahit. Je me sens fort, rasséréné, reconstruit même. Je sens qu'elle va m'emporter. Sa lumière me caresse. Je ferme les yeux, et je la sens, là-haut, tout au dessus... Juste au dessus. Elle m'envoie ses charmes, et je n'ai pas l'intention de résister. Je me sens plus fort, porté. Plus près d'elle, et de ce fait plus près de moi...

Non. Le sortilège semble se rompre. Je rouvre les yeux : elle a disparu. Elle n'a pas su échapper à la danse ; les rideaux se sont rabattus sur elle. J'attends, plusieurs minutes, puis une heure... Mais elle ne reparaît pas. Il semble que le flamboyant jeune premier de la pièce céleste ait peur qu'elle ne lui vole la vedette. Je suis venu pour elle, mais le théâtre la séquestre. Je ne la verrai plus.

Peu à peu, jour par jour, l'œil va se fermer. Se fermer, puis se rouvrir. Et quand, à nouveau, je pourrai capter son regard, je reviendrai au champ.

Le rendez-vous est manqué. Qu'importe. Il m'a donné la force d'attendre.
D'attendre le rendez-vous suivant.