Danse des mots
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 Héroïne (Titre provisoire)

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2 participants
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Mrs Nobody
Plume Légère
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MessageSujet: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeMer 25 Aoû - 15:03

Bon c'est une histoire qui me tient vraiment à coeur comme je l'ai déjà dit et j'ai énormément de doutes sur pleins de choses donc j'aimerais avoir vos avis. Je vous remercie d'avance de prendre de votre temps pour m'aider ! Je sais que c'est souvent long mais je prendrais tous vos avis en compte afin de m'améliorer.

Chapitre 1 :

Le bruit empli mes oreilles mais je n’arrive pas à l’entendre. Tout bouillonne en moi. Pourtant j’ai l’impression d’être morte. Soudain, les cris se rapprochent. Je le pressens plus que je ne l’entend. Je sais ce que ça signifie. Alors je cours et j’évite un coup qui ricoche tout de même sur mon épaule. La douleur monte en même temps que mes larmes. Pourtant je ne pleurs pas. Mécaniquement, je m’enferme dans la petite salle de bain de marbre blanc et me laisse tomber sur le siége des toilettes. Je suis tellement fatiguée. Je cache mon visage entre mes mains. Une pluie de coups de poing s’abat sur cette pauvre porte.

-Héroïne ! Ouvre cette putain de porte immédiatement où je la défonce et ensuite c’est ta tête dont je m’occuperais ! Tu m’entend, Héroïne ?

Bienvenu dans mon quotidien. Violence, destruction et haine.

Mon prénom : Héroïne.

La pauvre héroïne perdue d’une histoire. Cette fille dont on ne sait pas trop ce qu’elle fait là. La fille dont on ne sait même pas si elle a une place dans sa vie.

L’héroïne, une drogue interdite. Qu’on essaye de refiler, de s’en débarrasser.

Je suis tout ça et pourtant je ne suis rien. Je suis une fille et en même temps le néant. Je suis pleurs et sanglots. Sang et souffrance. Pitié, aidez-moi…

-A trois je l’enfonce ! Un, deux…trois !

Un bruit sourd et la porte tombe. Je fonce en direction de la fenêtre, me glisse habilement entre la petite ouverture et atterrit dans le jardin du fond. J’entend mon poursuivant pester. Je m’élance et cours.

Mes jambes sont longues et entraînées. Je souffle le moins fort possible. Aspire, Héro, expire.

Mes oreilles perçoivent le bruit d’une porte qui s’ouvre. Une autre respiration. Longue, rauque. Il est là.

J’accélère. Pourquoi le jardin est donc si long ? Il se rapproche. Lui aussi cours vite, aussi habitué que moi à cette poursuite. Quel en est la raison cette fois ? Quel est le prétexte de cette rouée de coups ? Je ne me souviens plus. Sûrement une histoire de verres cassés, de mots grossiers, de gestes mal placés ou de respiration trop forcée.

Je n’aurais pas le temps d’arriver jusqu’au bout. Il me rattrapera. Mon corps est douloureux. Je commence à fatiguer. Vite, se cacher. Je me faufile vivement sous les branches basses et me cale entre deux buissons. Je me fais le plus petite possible. Retiens ta respiration, Héro. J’obéit à mon propre ordre et je ferme les yeux. Ne plus voir, ne plus entendre, ne plus sentir. Je suis ailleurs.

Je berce Alice. Tendrement. J’embrasse ses joues. Nous sommes heureuses, toutes les deux. Au loin, nous entendons le bruit de l’ordinateur de Julien. La présence de ma petite sœur dans mes bras m’apaise. J’enfouis mon visage dans ses cheveux. Le sourire de mon frère vient flotter devant nous sur un écran. Alice sert sa poupée contre elle. Et moi je les sers toutes les deux. Et je me sers également. Maintenir mon cœur en place. Je chantonne, gaiement. Doucement. Je suis bien.
Soudain, on m’attrape violement par le bras. La sensation du corps d’Alice contre le mien disparaît. Le bien être aussi.

-Ah je t’ai enfin trouvé toi ! Je vais t’apprendre à te cacher.

Je reçois une gifle. Sa main enserrant mon bras m’empêche de tomber mais j’ai l’impression qu’on me décroche l’épaule. Je gémis puis serre les lèvres. Ne pas montrer la douleur. Et ça continue. Les coups s’enchaînent tandis que les larmes perlent au coin de mes yeux, malgré tous les efforts que je fais pour les retenir. Un coup plus fort que les autres me fait tomber à terre sur l‘herbe chatouillante. Les pieds s’activent alors sur mon corps. J’ai mal. Je ferme les yeux, essaye de repartir dans mon monde, mais il est loin. Trop loin. Je lève les bras pour me protéger le visage. Rien à faire.

Soudain, des cris résonnent. La femme hurle, supplie. Ses paroles sont inintelligibles. J’essaie de ne plus l’entendre. Elle rend les choses encore plus difficiles. Ne peut-elle donc pas se taire ? Les coups s’espacent. Pour autant, je ne bouge pas : ce serait suicidaire.

Tout à coup, je sens des petites mains chaudes s’appuyer contre mes joues et un visage se blottir contre ma poitrine. Je reconnaîtrais ce corps entre milles. Alice chérie…

-STOP ! Hurle-t-elle de sa petite voix fluette.

Tout s’arrête. Le silence parait incroyable. J’ouvre les yeux.

La première personne sur qui mon visage tombe, c’est ma petite sœur. Ses joues sont barbouillées de larmes, sûrement à l’image de les miennes. J’articule doucement « Merci » de mes lèvres enflées.

Puis, je vois ma mère. Ses hurlements se sont arrêtés. Elle tremble. Au loin, mon frère nous observe par la fenêtre.

Je tourne mes yeux vers mon agresseur. Il est furieux, son poing est encore fermé. Prêt à frapper. Je frémis. Le poing s’abat sur mon corps. Cette fois, c’est moi qui hurle.

-S’il te plait ! Arrête ! Arrête Papa ! Alice est là !

Ma mère a agrippé le poing de son mari en gémissant. J’ai l’impression qu’elle ne sait faire que ça. Gémir, pleurer, crier. Et ça me tue. Je me redresse et repousse tendrement Alice. Mon père souffle, essaye de se calmer.

-Vite ! Dans ta chambre !

Je ne me le fais pas dire deux fois. Je me lève et cours en trébuchant. Tout mon corps m’élance. Je met deux fois plus de temps que d’habitude à traverser le jardin.

Une fois, à l’intérieur je me ferme à double tour dans ma chambre et me laisse tomber sur le lit. J’enfouis mon visage dans l’oreiller. Et je pleurs. C’est horrible cette impression de n’avoir plus rien à faire dans le monde. L’impression que personne ne vous aime, même pas ceux qui sont censé vous chérir plus que tout. Je redresse doucement la tête, ouvre ma table de nuit. Attrape mon couteau de poche…Je passe mon doigt sur la fine lame. Contrairement à la douleur de tout à l’heure, celle-ci est agréable. J’appuie sur la blessure. Le sang perle. Je suis comme fascinée.

Un coup à la porte.

Je sursaute. Vite, j’ouvre le placard et range le couteau. Je suçote mon doigt.

-Qui c’est ?

-C’est Alice.

Soulagée, j’ouvre la porte. Nous nous installons sur le lit simple recouvert d’une couette bleuâtre avec des motifs de fleurs. Ma chambre est peinte en bleue et contrairement à celle des autres adolescentes de mon âge, les murs ne sont pas tapissés de posters mais de petits mots. Des citations pour la plupart, écrits de ma main pour d’autres. J’aime lire. J’ai l’impression que chaque auteur, chaque livre a quelque chose de plus à m’apporter. Les mots sont magiques.

-Alice ?

-Oui ?

-Je peux te demander un service ?

-Bien sur.

Je me lève et commence à me déshabiller. Lorsqu’il ne me reste plus que mes sous-vêtements, je me retourne et la regarde dans les yeux.

-Ok. Raconte moi les dégâts.

Elle m’observe, fronce les sourcils. Je m’en veux de lui faire subir ça.

-Tu saigne du nez, tu as un cocard sur l’œil droit et des bleus un peu de partout.

-C’est tout ?

-Oui.

Je me rhabille.

-Si ce n’est que ça, je dois pouvoir y survivre, dis-je ironiquement.

Je retourne sur le lit et Alice vient se blottir contre moi. Je la sert contre mon cœur qui commence à s’apaiser.

-Je t’aime, petite sœur.

-Moi aussi, Héroïne.

Je souris et ferme les yeux. De retour dans mon monde…


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Evasion
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeJeu 26 Aoû - 22:27

Je te dis ce qui ne va pas et le bilan après, d'ac ?
(Je te dis "d'ac " mais t'as pas vraiment le choix en faite ^^)

Citation :
Lui aussi cours vite, aussi habitué que moi à cette poursuite.
Je ne sais pas si c'est fait exprès mais la répétion de "aussi" est lourde.
Citation :
J’obéit à mon propre ordre et je ferme les yeux.
>> j'obéis*


C'est horrible.
La vie qu'elle mène. Ton personnage porte le monde sur ses épaules.
J'ai une image d'elle. Je l'ai eu tout de suite. Elle incarne la douleur et l'innocence en même temps. Je m'explique. Elle se fait battre, ne comprend pas tellement pourquoi et ne cherche plus à comprendre, l'habitude lui fait oublier pourquoi elle existe. Sa soeur est sa seule raison de rester en vie, sa force, comme les livres et tous ses petites choses anodines qu'elle voit dans sa détresse. Dans son malheur, elle sait profiter de ce qui lui reste, c'est une rêveuse. Mais les coups l'ont rendu forte au fil des années et elle veut du changement. Elle n'en a que faire de la pitié des gens, ce qu'elle veut ce sont des actes.
Voilà comment je l'ai perçue.

Ton histoire est profonde, pas si singulière mais bien racontée. On a des images, des sentiments. Des multitudes de sentiments. De la tristesse, de la pitié, de la douleur, de l'émerveillement, de l'attendrissement. Plutôt paradoxales comme émotions mais toutes intenses.
J'ai beaucoup aimé et attend la suite avec impatience.



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Mrs Nobody
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeVen 27 Aoû - 12:43

Merci ! J'ai fait les rectifications Smile
Je suis contente que tu ais réussit à cerner le personnage, c'est exactement ce que je voulais que les lecteurs perçoivent d'elle. J'ai toujours du mal à faire passer les émotions lorsque j'écris alors ça m'a fait très plaisir que tu dise que les a ressentis !
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeVen 27 Aoû - 13:40

Dac.
De rien mrgreen
Tu dis que tu as du mal ? Ce n'est pas l'impression que j'ai eu en le lisant, je trouvais justement que les émotions étaient bien menées.
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeDim 29 Aoû - 17:59

Tant mieux alors !

Chapitre 2 :

Je suis allongée à plat ventre sur mon lit, la tête enfouie dans l’oreiller et le cœur au repos. C’est une chose rare pour moi. Des fois je me dis que je finirais par mourir du cœur à force de l’affoler.

Ma vie c’est juste l’impression de ne pas avoir de place. D’être seule au monde. Je ne sais pas ce que j’ai fait pour qu’il me déteste autant. Je ne suis même pas une humaine pour lui. Je suis « l’autre ». On a tous besoin de mots doux quelques fois. De « je t’aime » surtout. Jamais je n’en aie eut.

J’aimerais construire un nid, au chaud. Mais je me fais chasser de tous les endroits où je me pose. Et alors que les larmes coulent sur mes joues, je voudrais disparaître. Puisque de toute façon je ne compte pour personne. Peut-être viendrait-on me rendre visite, sur ma tombe, une fois par an ? A la fête des morts. Peut-être même à mon anniversaire si j’ai de la chance. Qui pleurera à mon enterrement ? Ma mère, sûrement puisqu’elle ne sait faire que ça. Ma sœur, aussi. Des larmes sincères. Mon frère, peut-être. Mon père ? Je ne me fais pas d’espoir.

Pourtant j’aimerais le voir souffrir. Souffrir comme je souffre. Pleurer comme je pleure. Se mutiler comme je me mutile. Quelques fois, je voudrais qu’il meure. Souvent même. Je voudrais le tuer de mes propres mains. N’est-ce pas horrible de souhaiter la mort de son propre père ? Pourtant je le ressens au plus profond de moi. Cette boule dans ma poitrine qui monte, qui m’étouffe. C’est indescriptible. Et ça fait mal.

Je me lève en soupirant. Je ne peux pas rester ici une seconde de plus. Il faut que je sorte. Que je prenne l’air. J’ai l’impression d’étouffer. Je hais cette maison ! Je hais cette vie ! J’ai l’impression qu’il n’y a rien de bon à l’intérieur. Comme si tout était infecté.

Je laisse glisser ma main le long de la rambarde pendant que je descends les escaliers. C’est devenu une habitude. J’ai tant de souvenirs dans cette maison que pourtant je déteste. Petite, je m’amusais à dégringoler sur la rampe avec mon frère. Nous riions. Et nos parents hurlaient. Je crois que d’aussi loin que je m’en souvienne, mes parents avaient toujours détesté que je rie. Je traverse le salon où ma petite sœur est assise au milieu de ses barbies en compagnie de ma mère. Lorsqu’elle me voit, son regard s’éclaire et elle se relève précipitamment. Ses petits bras se nouent autour de ma taille alors je la soulève et la pose sur ma hanche. Certes, du haut de ses 6 ans, elle est devenue un peu lourde mais j‘éprouve le besoin de la sentir au plus près de moi. Elle a une douce et inexplicable odeur de vanille qui me donne envie de plonger mon visage dans son cou et d’humer son odeur rassurante. Je sens le regard de ma mère posé sur nous deux.

-Tu viens jouer avec moi, Héro ? Demande Alice tout en me regardant de ses yeux brillants.
-Tu as Maman pour jouer, chérie.
-Oui mais je veux que ce soit toi, contre-t-elle en faisant une petite moue.

J’aurais cédé si je n’aurais pas croisé le visage déçu de ma mère. Je me ravise et après avoir embrassé sa joue rebondie, je repose Alice sur le sol.

-Une autre fois, Alice, promis.

Je reprend mon chemin et ma destination initiale : la sortie. Je pousse la porte d’entrée et m‘engouffre dehors. Après être resté autant de temps dans le noir, le soleil m’éblouit vivement. Je mets rapidement une main devant mes yeux pour me protéger de la luminosité. Je marche à l’aveuglette sans savoir vraiment où je vais. Je marche c’est tout. C’est mécanique, automatique.

Je déambule dans le village en regardant le sol. Soudain, j’entends mon nom.

-Héroooïne !

Je me retourne et soupire avant de m’obliger à sourire à la jeune fille qui m’accoste.

-Salut Carlie ! Ça faisait si longtemps !

Carlie me saute au cou et me fait une bise sonore. C’est une simple amie, une fille comme les autres, moulée dans le même moule. Elle n’est pas vraiment désagréable mais tellement quelconque et ennuyante.

-Oh oui ! Depuis la fin de l’année scolaire ! Tu m’avais promis de m’appeler !
-Excuse moi, j’étais très occupée, je mens.

Elle fait les yeux ronds.

-Un garçon ? Raconte moi tout !
-Non, non ! Pas de garçon. Ce n’est pas ma priorité pour le moment.
-Les garçons seront toujours la priorité ! Réplique-t-elle.

Je continue de marcher tandis qu’elle s’accroche à mon bras en radotant sur tous ses fameux petits copains. Elle m’entraîne soudain dans une rue.

-Carlie ? Où on va ? Je demande, suspicieuse.

Elle glousse et frappe à une porte. Je cherche à me dégager.

-Carlie…
-Allez Héro ! Fais pas ta rabat-joie ! Jenny organise une fête ! Tu pourras partir quand tu veux !
-Une fête à cette heure-là ? Il est seulement 16h30 !
-Je sais ! C’est une suupeeeeer idée de Jenny ! Comme ça tout le monde peut venir même ceux qui sont puni de sorties ! C’est pas génial ça ?

La porte s’ouvre. J’ai soudain envie de pleurer. Nous nous engouffrons à l’intérieur où la fête bat son plein. La musique est montée à fond et les corps se déchaînent sur la piste de danse. Je n’aperçoit rien d’autre qu’une masse compacte de jeunes déjà trop soûl pour émettre des propos cohérents. Dans les coins les plus sombres, on parvient à distinguer des couples entrelacés sûrement trop occupé à se tripoter pour se préoccuper du monde qui les entoure. Je leur envie l’insouciance dont-ils font preuve. Je suis perdue, noyée dans une marre de danseurs dont je ne veux pas faire partie. Je n‘ai pas envie de m‘amuser, je n‘ai pas envie de rire, je n‘ai pas envie d‘exister. Mais trop de corps me séparent de la sortie. Et pourtant je suis seule : Carlie a disparue. Je sens quelqu’un me bousculer, on me renverse un peu de liquide dessus. Je passe le doigt sur la tache et goûte. Vodka. Puisque je suis ici autant en profiter, après tout.

Je me fraye un chemin jusqu’au buffet, attrape une bouteille et un verre. Je m’éloigne du bruit et m’installe dans la pénombre entre deux couples. Je sirote ma vodka sans regarder autour de moi. Je veux oublier où je suis. Je veux oublier qui je suis.

Je ne sais pas ce que je cherche ni même ce que j‘aime. Certains diront que je suis une fille calme, réservée et solitaire. D’un côté c’est vrai. J’ai du mal à me lier et je ne fais jamais vraiment confiance. Mais je ne crois pas être que ça. J’éprouve également un profond ennui et une volonté de vivre autrement. Petite, je me disais que je vivrais vraiment lorsque je serrais adulte. Quand j’aurais un métier, une maison, un mari, des enfants. Ce sera ça la vie. Je ne me rendais pas compte que rien de tout ça n’était acquis. Et ces temps-ci je ne suis plus sure de vouloir faire des efforts pour l’obtenir. Tout est trop difficile. Je préfère laisser ma vie s’écouler en espérant qu‘elle se termine le plus rapidement possible. De toute façon nous sommes tous destinés à mourir. C’est comme ça que j’ai compris que quelque soit nos différences nous aurons tous le même but.

La plupart des gens disent que physiquement je ressemble à ma sœur. Je ne suis pas d’accord avec eux. Ma sœur est belle. Magnifique même. Ce n’est pas mon cas. Certes, je ne suis pas laide. Même moi je peux le reconnaître. Mais mon physique n’a rien d’avantageux. J’ai un visage pâle encadré par de longs cheveux blonds, les mêmes que ma sœur que nous avons hérité de ma mère. On compare souvent mes yeux à la couleur de l’océan. Alice me les jalouse même si il n’y a aucune raison. Ses iris gris sont tellement plus jolis ! Je ne suis ni petite, ni grande. Ni grosse, ni maigre. Ni moche, ni jolie. Je suis un milieu. La plupart du temps, les milieu c’est ce qui équilibre le tout. Comme un pilier. Mais dans mon cas, c’est tout le contraire. Je suis instable, bancale et fragile. J’ai toujours l’impression d’évoluer sur un fil où tout le monde m’observe. Certaines personnes me tiennent la main afin de m’aider à rester en équilibre. Peu de personne. D’ailleurs, je ne peux citer qu’Alice. D’autres me poussent afin de me faire tomber. Et il y a ceux qui me regardent sans rien faire. Je crois que c’est eux les pires.

Je ne sais même pas quelles sont mes passions. Je ne connais rien . La vérité c’est que je me fous de tout et surtout de moi. J’aime lire, c’est sur. Chaque livre représente un univers nouveau pour moi. Je me plonge dans ses pages, lis entre ses lignes, deviens lui. Dans ma famille, je suis la seule à trouver un intérêt dans les romans. Pourtant j’ai essayé d’y initier ma petite sœur mais elle préfère jouer avec ses poupées comme toutes les fillettes de son âge. Moi, je devrais sûrement courir après des garçons idiots et boutonneux, glousser avec des amies hypocrites et superficielles et passer mes intercours à me remaquiller dans les toilettes. A la place, je suis plutôt solitaire. J’ai des amis bien sûr, mais je reste toujours à l’écart et ne participe que très peu aux conversations. Les garçons…Je ne suis sortie qu’avec un d’entre eux. Il s’appelait Jesse et il était plutôt sympa. Mais nos univers étaient trop différents. C’était un bon fils à papa et je ne me suis jamais confiée à lui sur ma vie difficile. Je n’en aie jamais parlé à personne d’ailleurs.

Je soupire et me ressers un deuxième verre. Puis un troisième. Et un quatrième. La tête commence à me tourner délicieusement. J’oublie, je plonge. J’aime ça.

Soudain, une main moite vient palper mon visage avant d’entortiller une mèche de mes cheveux autour de son doigt. Je sursaute et la repousse.

-Hey ! Gémit une voix que je ne connais pas.

La main repart à l’assaut. Je ne suis pas assez soûl pour me laisser faire. Je la mords violemment. Elle a un goût affreux : un mélange de transpiration et d’alcool. Un cri résonne tout près de mon oreiller. Je profite de ce moment de répit pour m’enfuir. On essaye de m’en empêcher, des mains agrippent mes vêtements néanmoins je réussis à m’en débarrasser. Je me sens vraiment mal. Je titube faiblement jusqu’à la sortie. Je ne sais plus où elle est ni même si elle existe. Je commence à étouffer dans cette masse de corps qui me bousculent. On glousse, on crie, on rit, on chante. J’ai l’impression de me perdre. Les larmes commencent à couler sur mes joues. Ce n’est pas dans mes habitudes de pleurer en public et je me hais d’être aussi faible. Mais je me sens si mal, si seule. Je me débat avec l’énergie du désespoir cherche vaillamment la sortie de mes yeux couverts par les larmes. Je vais m’évanouir. J’ai besoin d’air. J’ai besoin d’aide… Soudain, comme si on avait entendu mes pensées, une main se glisse dans la mienne et m’entraîne. Je sais que ça pourrait être n’importe qui et que je ne devrais pas le suivre mais je me laisse faire. Je n’aurais même pas la force de résister. Enfin, je sens l’air battre sur mon visage et faire voler mes cheveux. Je respire à fond et me reprend. Courageusement, je passe la paume de ma main sur mes pommettes et me tourne vers la personne qui m’a ramené à la sortie.

Oh mon Dieu ! Je le fixe d’une manière complètement indécente mais je m’en fiche. Non pas qu’il soit particulièrement magnifique. Il a les cheveux bruns, mi-longs avec une peau assez mate. Banalement beau. Mais…ses yeux m’ensorcellent. Je n’en ait jamais vu des pareils. Ils ont une couleur qui n’a pas de nom, une beauté sans équivalente et au fond de ses pupilles, il a quelque chose. Je ne saurais dire quoi. En tout cas, ça brille. Et ça m’éblouit. Alors je pars.

Je cours sans me retourner en direction de la maison. Je ne sais pas ce qui m’a pris ni ce qui me fait mal à ce point dans ma poitrine. Comment deux si petites étoiles peuvent-elles me faire autant d’effet ? Je ne comprend rien.

Je m’engouffre en coup de vent dans la maison et grimpe les escaliers quatre à quatre avant de me laisser tomber sur mon lit. Et je me mets à sangloter. La vérité c’est que les yeux brillants de ce garçon -que je n’ai d’ailleurs pas remercié- ont ravivé en moi la médiocrité de ma vie. Je voudrais la recommencer du départ.

Pourquoi n’ais-je pas le droit à l’erreur ? A une seconde chance ?

J’ai un cœur aussi. Je ne sais pas qui s’en souviens, mais j’en ait un. Fragile. Il est sûrement déjà brisé en milles morceaux. Et aucune colle super glue ne pourra réparer ça.

J’aimerais commencer à vivre, mais j’ai déjà perdue beaucoup de temps et de morceaux de moi. Je suis encore qu’une petite fille au fond. Cette fillette qui n’a jamais pu évoluer dans le bon sens. C’est pour ça que j’ai emprunté les mauvais chemins, que la haine est devenue mon amie. La souffrance aussi…

J’aimerais tout abandonner. Laisser tomber. Abandonner ma vie. La douleur aussi. Mais je ne peux pas. Car tout cela reviendrait à abandonner ma sœur.

Alice…Elle est merveilleuse. Et d’une beauté douloureuse. Ses cheveux ont une blondeur angélique qui contraste magnifiquement avec ses yeux grisâtres. Toutes les personnes qui l’ont déjà vu s’accordent à dire qu’elle a la grâce d’un ange. Je ne peux qu’être d’accord avec eux. Plus tard, je suis sure qu’elle fera des ravages parmi les garçons. Elle est la préférée de tout le monde. La petite princesse. Mes parents sont en totale admiration. Elle les mène par le bout du nez. Mais elle n’a jamais rien fait pour ça et en profite très peu. Son âme est pure. Je n’aurais jamais cru qu’une petite fille pouvait être autant attentive aux autres. Elle a toujours été là pour moi. Dans les moments de tristesse comme dans ceux de joie. Mes plus beaux souvenirs sont avec elle. Sa présence m’est indispensable pour sourire.

D’aussi loin que je m’en souvienne, ça a toujours été comme ça. Ma mère m’a dit un jour que les premiers mots que j’avais prononcé en présence de ma sœur étaient : « Il est beau mon bébé ». J’ai toujours employé le possessif avec elle. Elle est ma Alice. Je crois que ça ne plait pas beaucoup à mes parents. Ils aimeraient que je tienne ma vraie place de sœur. Qu’on se chamaille, qu’on se dispute et même qu’on se batte. Comme des sœurs normales. Mais ce n’est pas le cas. Depuis toujours nous sommes proches. Petites, nous nous prêtions nos jouets de bonne grâce. Lorsque je suis devenue trop grande pour cela, je lui faisais la lecture et elle me racontait ses problèmes de petite fille. C’est toujours le cas. J’aime la prendre dans mes bras et la bercer. Je voudrais la protéger du monde extérieur qui pourrait - et va plus tard- lui faire tellement de mal. J’aimerais qu’elle ne souffre jamais. Je veux qu’elle reste une enfant, que jamais elle ne cesse de croire au Père Noël. Que jamais elle ne cesse de croire en sa grande sœur. En moi. J’ai besoin d’elle et je ferais toujours en sorte qu’elle ait besoin de moi.

Oh ma Alice continue de m’aimer, je t’en prie. Tu es tout ce que j’ai.

Tandis que je pense à elle, je l’entends rire dans le salon. Sûrement joue-t-elle encore avec ma mère. Son rire me fait chaud au cœur. La savoir heureuse est tout ce que je veux. Tout ce dont j’ai besoin. C’est grâce à elle que jour après jour je fais semblant d’exister.

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Evasion
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeDim 29 Aoû - 23:55

Citation :
Qui pleurera à mon enterrement ? Ma mère, sûrement puisqu’elle ne sait faire que ça.
>> Ouh ! Ça fait mal ça, très bonne réplique !
Citation :
Je veux oublier où je suis. Je veux oublier qui je suis.
>> J'aime beaucoup ces phrases. Elles expriment beaucoup.
Citation :
La plupart du temps, les milieu c’est ce qui équilibre le tout.
>> milieux*
Citation :
Je crois que c’est eux les pires.
>> Je crois que ce sont* eux les pires. Est-ce de l'amertume que je lis-là ? ^^

Superbe chute.
J'ai encore une fois adoré ce chapitre !
Encore et toujours de l'émotion. Emouvant, triste, un bel amour. Et l'arrivée de ce garçon ajoute quelque chose qui casse le plat qui commençait à s'installer. Il nous rend attentif, plus qu'on ne l'est déjà.
Mais son père, il n'y a qu'elle qu'il bat ? Pourquoi ?
Et son frère ? Il me semble que tu annonces qu'elle en a un qu'au milieu du 2ème chapitre. Il faudrait que tu précises son nom, son âge, ses rapports avec ses sœurs...
Mais sinon, vraiment bien, j'attends la suite avec impatience.
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Mrs Nobody
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeLun 30 Aoû - 14:26

Encore merci !
On m'a déjà posé la question pleins de fois et on m'a souvent dit que ce n'était pas cohérent que souvent les pères violents s'en prenaient à tous les membres de la famille mais il y a une explication à tout ça que je veux réveler vers le milieu de l'histoire à peu près.
Pour son frère c'est prévu, j'ai déjà inséré son nom dans le premier chapitre mais je ne veux pas surchager de descriptions pour pas que ça devienne ennuyant. Au fur et à mesure du roman on en apprendra plus !
J'avais un peu peur d'aller trop vite en faisant arrivé le garçon qui sera un personnage important aussi tôt mais finalement je pense qu'il faut entrer dans l'histoire rapidemment pour garder les lecteurs. Enfin c'est mon avis après mur reflexion ^^.

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Evasion
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeLun 30 Aoû - 18:53

Je suis d'accord pour le garçon.
Pour le reste, j'ai encore plus hâte de connaitre la suite !
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Mrs Nobody
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MessageSujet: Re: Héroïne (Titre provisoire)   Héroïne (Titre provisoire) Icon_minitimeLun 30 Aoû - 19:19

Dans ce cas je ne vais pas te faire attendre plus longtemps ^^. En plus je ne suis vraiment pas sure de ce chapitre donc j'ai besoin d'avis pour changer tout ça !

Chapitre 3 :

Je range le parapluie trempé et lâche la main d’Alice. Dehors, l’averse continue de se déverser sur le village, chose étrange pour un mois de juillet. Pourtant, le bruit des gouttes d’eau qui tombent à flot m’apaise. J’expire un bon coup. L’intérieur du magasin est bondé. Je hais faire les courses. Mais c’est mon rôle depuis toujours. Du moins, depuis que je suis en âge de le faire.

-Viens, Alice.

La petite me suit tans que je passe une main nerveuse dans mes cheveux. Les gens courent à moitié, ils crient après leurs enfants trop capricieux, après les caissières trop lentes. Ce lieu est un cortége d’impatience. Ils attrapent leurs achats, les posent dans le chariot et se précipitent à la caisse. Tout faire le plus vite possible. C’est le mot d’ordre, la phrase clef : ne pas avoir le temps de profiter de la vie.

Oui, viens ma Alice mais surtout ne regarde pas. Ne prend pas exemple sur ces gens. Ne deviens pas comme ça. Profite, toi, profite, mon Alice.

J’avance dans les rayons et attrape une boite de petits pois. Je continue de remplir le chariot quand soudain, une voix m’interpelle.

-Eh salut ! Je m’appelle Léandre. Tu te souviens de moi ?

Je me retourne. L’homme de la fête…Celui dont les yeux brillent comme si un soleil se trouvait à l’intérieur de ses pupilles. Je suis surprise de le revoir mais cette fois-ci, ses yeux ne me déstabilisent plus. Sûrement doit-on s’y habituer. Léandre…Ses vêtements semblent froissés comme s’il avait dormit avec. Ses lèvres sont retroussées de façon à sourire sans le faire. Il dégage de lui une impression inouïe de bonheur. Alors, sans savoir pourquoi, je me braque.

-Qu’est-ce que tu veux ? Aboie-je.

Il lève les bras, surpris.

-Ola, jolie demoiselle du calme ! Je suis nouveau dans le coin et je crois bien qu’on s’est croisé à la fête hier.

Je le remercie intérieurement de ne pas évoquer ma détresse de la veille. Quelle image devais-je donner ! Je ne peux pas le regarder dans les yeux.

-Bienvenu, dis-je avant de pousser mon chariot hors de l’allée.

Il me suit. Agacée, je me retourne.

-Je m’appelle Héroïne ! Voilà, maintenant, laisse nous.

Haussement de sourcils. Je m’en veux soudain d’être aussi agressive envers lui sans savoir vraiment pourquoi. Mais c’est plus fort que moi. C’est comme lorsque tu manges ton pot de Nutella à la petite cuillère tout en te disant que tu ne devrais pas faire ça, que tu vas le regretter plus tard mais que tu ne peux pas t’arrêter. On est conscient de ce qu’on fait mais c’est impossible de s’en empêcher.

-Quelle charmante façon d’accueillir les gens ! Tes parents ont été plus originaux que les miens en tout cas.

-Je m’en serais bien passé, grognais-je.

Son regard jusque là fixé sur moi, se baisse sur sa montre. Il relève la tête. Heureux.
Soudain, je comprends. C’est ça qui me déconcentre. M’empêche de lui sourire. M’empêche d’être gentille, aimable. L’éclat de bonheur. C’est injuste. Pourquoi certaine personne ont-elles le droit d’être heureuses et pas moi ? C’est égoïste mais c’est comme ça. Je lui en veux d’avoir ce que je n’aurais jamais.

-Je vous invite à prendre un verre pour fêter ça ! Rit-il en me montrant sa montre.

Je frissonne contre mon grès. Son rire me chatouille les entrailles. Ferme les yeux, Héro. Résiste.

-Fêter quoi ?

-Notre rencontre ! Ça fait exactement 24 heures que je t’ai vu à cette fameuse fête.

Comment résister à cette étrange bonne humeur ?
Je ris. Mon rire parait enrouer comme si lui-même était surpris de devoir s’enclencher. Depuis combien de temps n’avais-je pas céder à l’hilarité ?

-Je ne crois pas que ce soit une bonne idée. On m’a toujours dit de ne pas parler aux inconnus et encore moins de les suivre.

J’entre dans son jeu. Son sourire s’élargit, il est content d’avoir gagné. Il s’accroupit aux côtés de ma petite sœur.

-Et toi, petite poupée, comment puis-je t’appeler ?

-Alice.

-Vraiment, vos parents sont des merveilles en matière de prénoms. Alors, petite Alice, que dirais-tu de venir boire un chocolat chaud avec moi ? Et ta sœur, bien sûr ! Enfin, j’imagine que c’est ta sœur, ajoute-t-il en levant des yeux interrogateurs vers moi.

-Ouais, c’est ma sœur, confirme Alice.

Léandre pince doucement les joues de la petite.

-Un peu plus d’enthousiasme s’il te plait ! En tout cas, tu as une sœur magnifique, fit-il en clignant de l’œil.

Je m’empourpre. Sous ma peau de porcelaine, le sang est facilement visible. Je tourne mon regard vers Alice. Elle semble charmée par cet étrange garçon.

-Oui, je veux bien boire un chocolat chaud.

-Merveilleux ! S’exclame-t-il en se relevant.

Ses yeux me fixe. Il sait qu’il ne peut rien faire sans mon accord. J’hésite. La sécurité d’Alice est le plus importante. Pourtant ce Léandre n’a pas l’air de vouloir lui faire du mal…Il faut me rendre à l’évidence. C’est la peur qui me maintient sur place et cloue ma langue qui meurt d’envie de dire « oui ». Peur de l’inconnu. Parce que son sourire, ses paroles, son étrange façon d’aborder les gens ne me laisse pas indifférente. Parce que ce sont des choses que je ne connais pas. Et que je n’ai pas envie de connaître pour souffrir ensuite.

Alors oui, je voudrais laisser mon cœur prendre le contrôle. Je voudrais accepter l’invitation de ce beau jeune homme. Mais j’ai déjà trop souffert des décisions irréfléchies.

Soudain, je me décide. Il veut jouer ? Et bien, il jouera ! Je sors mon porte monnaie, fouille à l’intérieur et en sors une pièce de monnaie.

-Très bien. Pile ou Face ?

Il me juge du regard. Je le soutiens. Tout à coup, il éclate de rire. Encore une fois j’ai envie de le suivre dans sa bonne humeur mais je réussis à me contenir et à garder un visage impassible.

-D’habitude je choisis toujours face mais aujourd’hui, j’ai l’impression que ce n’est pas un jour comme les autres. Donc pile.

-Très bien. Pile, nous venons avec toi. Face, nous continuons tranquillement nos courses chacun de notre côté.

J’ai envie de laisser ma vie aux mains habiles du hasard. Me décharger de ce fardeau. Bon sang que c’est bon de ne plus avoir de décisions à prendre !

Je lance la pièce. Elle atterrit sur ma paume ouverte. Pile. Je lève les yeux vers son visage victorieux. Je ne peux m’empêcher de sourire aussi. Je lâche mon chariot, range la pièce dans ma poche et attrape la main d’Alice.

-Et bien, allons-y.

Il me suit. Dehors, la pluie continue de se déverser à flots. Pourtant, je n’ai pas envie de sortir mon parapluie. Les gouttes d’eau gelées tombent son mon visage comme pour m’éclaircir les idées. Mais je ne souhaite pas revenir à la réalité. J’ai l’impression de m’envoler dans la brume infinie du bonheur. C’est une sensation que je ne connais pas mais qui me bouscule le cœur. Et soudain, j’ai l’impression de le sentir du bout de ma langue et de m’enivrer de sa délicieuse saveur.

Secouant la tête, je tâche de me reprendre. Le fait de marcher sous la pluie, main dans la main avec ma petite sœur et un étrange garçon à mes côtés ne peut tout simplement pas me faire autant d’effet. Il faut que je me calme avant de devenir vraiment folle.

Il nous entraîne dans un petit café aux couleurs chocolat et discrètes. Il est à demi caché par deux grandes boutiques qui proposent des viennoiseries. Si Léandre ne me l’aurait pas indiqué du menton, je ne l’aurais même pas remarqué. Il est étrange de voir qu’on loupe tellement de choses dans notre propre vie de tous les jours.

Nous nous installons à une table contre la fenêtre. L’intérieur du café est aussi peu chic qu’a l’extérieur. C’est vide. Quelques tables et des chaises en bois entourent un bar qui se trouve aux côtés d’une porte surplombée de l’inscription : Personnel seulement. Nous sommes les seuls clients et sans savoir pourquoi, je m’interroge sur la vie de Léandre. Vient-il souvent ici ? Que trouve-t-il à ce lieu si fade comparé aux autres ? Je ne devrais pas me poser autant de questions. En quoi ses habitudes, ses goûts m’intéressent-ils ? Pourtant, je ne peux m’empêcher de fourmillé d’interrogations sur lui et sa vie en général.

Le barman se montre enfin, l’air fatigué. C’est un jeune garçon d’une vingtaine d’années à peu près avec un visage triste. On a l’impression que tous les problèmes du monde pèsent sur ses épaules et je lui en veux d’autant montrer sa douleur me rappelant sauvagement la mienne. Je ne peux m’empêcher de détourner le regard tandis qu’il s’avance vers nous.

-Tu ramènes de la compagnie, Léandre ? Demande-t-il d’une voix traînante.
-Comme tu le vois. Mes parents ne sont pas là ?
-Non, la pitchoune était malade, j’ai fait toute la journée seul. Heureusement, c’était calme. Qu’est-ce que je vous sers ?
-Trois chocolats chauds, s’il te plait, Jo.

Je me penche vers Léandre tandis que le serveur rejoint son bar.

-Tes parents sont les propriétaires de ce café ?
-Oui, nous avons emménagé la semaine dernière. Ils ont dû vendre l’ancien pour des questions d’argent. Ils sont très contents de ce bar, ils trouvent qu’il a un charme indémodable.

J’hoche la tête, sceptique. Jo revient avec nos chocolats et les déposes devant nous.

-Et toi, Alice, qu’est-ce que tu penses de cet endroit ? Demande Léandre en fixant ma petite sœur du regard.
-C’est joli. Et le chocolat est super bon !
-Ça c’est parce qu’on a notre recette spéciale, intervient Jo de derrière son bar. Tu veux que je te montre ?
-Ouais ! S’exclama Alice.

Jo l’entraîne dans la cuisine sous mes yeux inquiets. Léandre remarque mon malaise et se fait un devoir de me rassurer.

-T’inquiètes pas, va ! Ta petite sœur est en sécurité avec Jo. C’est un pro avec les enfants !

-Tu as une petite sœur ? J’interroge en me rappelant les paroles du fameux Jo.

Un sourire étira ses lèvres sûrement à l’image du mien lorsque quelqu’un évoque Alice.

-Elle s’appelle Liao. Mes parents l’ont adopté lorsqu’ils ont compris qu’ils n’arriveront pas à avoir un autre enfant. Elle vivait en Chine mais ses parents biologiques n’ayant pas assez de sous pour l’élever convenablement l’ont abandonné à sa naissance. Elle a 5 ans mais elle est très mature pour son âge.
-Tu as l’air de beaucoup l’aimer.
-C’est le cas. Tu la verrais…elle est merveilleuse !

Je souris et bois une gorgée.

-Dis, je peux te poser une question ? Demande-t-il.

Je me tends instinctivement. Non ! Non, tu ne peux pas. Je ne veux pas te raconter ce qui m’avait mis dans cet état hier. Je suis folle, malheureuse et dépressive mais je ne veux pas que tu le saches.

Il m’observe, jaugeant ma réaction.

-Bon écoute, reprend-t-il. Je vais te poser la question et si tu n’as pas envie de répondre, ne le fais pas. D’accord ?

J’hoche la tête.

-Pourquoi tes parents t’ont-ils appelé Héroïne ? Ce n’est pas très courant.

Je suis si soulagée que j’ai envie d’éclater de rire. Mais je me contente d’un sourire.

-Ma mère m’a raconté un jour que c’était ma marraine, la meilleure amie de ma mère qui avait plongée dans la drogue, qui l’a choisit sans le savoir. Ils voulaient m’appeler Nicole mais ma marraine trouvait ça moche pour une fille de notre époque et elle a proposé en rigolant Héroïne. Elle disait que ça faisait classe. Elle est morte d’une overdose quelques semaines avant ma naissance. Ma mère a voulut lui rendre hommage. C’est pas tous les jours facile de porter un nom de substance illicite !

Nous rions ensemble. En vérité j’adore mon prénom contrairement à la plupart des adultes qui prennent un air scandalisé quand je leur annonce. Tout particulièrement les profs. C’était toujours hilarant lorsqu’ils lisent la liste d’élèves à chaque rentrée.

-Et toi ? Léandre n’est pas non plus un prénom qu’on entend tous les jours, je riposte.
-Que veux-tu ? Mes parents n’aiment pas se fonder dans la masse.
-Toi non plus apparemment.
-Pourquoi le faire ? C’est en se faisait remarquer qu’on avance dans la vie.
-Je ne suis pas d’accord avec toi. Rester dans les normes permet d’être tranquille.
-Quelles normes ? Celles imposées par la société ? Aller à l’école jusqu’à 20 ans, travailler ensuite pour un métier qu’on a pas choisit, rencontrer quelqu’un comme les autres, se marier, faire deux enfants, acheter un appartement et un chien…
-Il n’y a pas de mal à ça, je coupe.
-…mourir sans vraiment avoir vraiment vécu sa vie ?

Je m’empresse d’oublier cette dernière phrase. Je ne veux pas qu’il mette du désordre dans mon esprit.

-Et si on parlait d‘autre chose ? Je propose.
-Tu vois, tu rentres dans la norme là. Changer de sujet lorsqu’il y a un désaccord est la règle numéro 1. Mais je sais que tu n’es pas comme ça. J’ai toujours eut un don pour cerner les gens.
-N’importe quoi…

Ma voix tremble légèrement Je ne veux pas qu’il sache qui je suis. Si ce qu’il dit est vrai, il faut que je parte. Je crois que je commence à paniquer. Pourquoi suis-je venue ? Je n’aurais jamais dû. Où est Alice ? Il faut qu’on rentre. Il faut que je parte, loin, loin de lui et de son étrange perspicacité.

Je me suis à moitié levée de ma chaise sans m’en rendre compte. Soudain, sa main vient se poser sur la mienne avant de l’enserrer dans une poigne tendre et brûlante.

-Qu’est-ce qu’il y a ? Excuse-moi, balbutie-t-il. Je sais pas ce que j’ai dit de mal mais en tout cas, j’en suis plus que désolé ! Restes, s’il te plait…

Je suis troublée par le contact de sa paume sur mes doigts. Mon cœur bat à cent milles à l’heure, je ne l’ai jamais entendu voleter aussi vite et pourtant je suis habituée. J’ai l’impression que des milliers de fourmis ont entrepris l’ascension de mon corps jusqu’à me manger le cerveau afin de m’empêcher de raisonner convenablement. Je me rassois, espérant sans doute reprendre mes esprits quelques instants avant de partir. Il ne retire pas sa main.

Soudain, une mélodie retentit dans tout le bar me faisant sortir de ma torpeur. Je sors rapidement mon téléphone portable de ma poche et le colle à mon oreiller sans regarder l’émetteur.

-Allô ? Fais-je.
-Héroïne ! Mais où êtes vous, bon sang ?! Alice va bien ?

Merde ! Maman…

-Tout va bien. Je suis désolée. J’ai…je…
-Dépêchez-vous de rentrer, ton père est fou de rage !M’informe-t-elle.

Aussitôt un poids se forme dans ma poitrine. Je range mon téléphone et me relève précipitamment.

-Alice ! Alice, grouille !

Je pose un billet de 10 euros sur la table, ignorant le geste de Léandre pour m’en empêcher.

-Tu es obligée de t’en aller ? Insiste-t-il les sourcils froncés. J’aurais espéré pouvoir plus discuter avec toi.
-Il faut que j‘y aille, je marmonne en m’éloignant suivie d’Alice.
-Donnes moi ton numéro de portable au moins ! Crie Léandre.

Je m’accorde une pause, ferme les yeux. Je m’en veux tellement. Pourquoi à chaque de nos rencontres faut-il que je m’enfuis comme une voleuse.

-Je suis vraiment désolée, je souffle tout en sachant qu’il n’entendrait pas.

Je m’engouffre dehors puis me ravise. Lorsque je me tourne pour lui faire face, je me rend compte qu’il ne m’a pas quitté du regard.

-Merci.





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