Je sais c’est très prétentieux ce que je vais dire, mais c’est la vérité, c’est ainsi.
Je n’ai aucun mérite. J’ai toujours eu une incroyable facilité à tourner de belles phrases ou à versifier. Je n’ai pourtant pratiquement rien lu, ou si peu. C’est comme ça, je n’y peux rien.
Chez moi on n’avait pas la culture des belles lettres. On n’admirait plutôt les gens doués en math, en physique chimie, en musique, en athlétisme, bref en tout sauf …
Au lycée je ne faisais rien. Je savais très bien que même en faisant de gros efforts je n’arriverais pas à grand-chose. J’avais une intelligence moyenne et j’en étais conscient. Toute ma scolarité j’ai joué au « cancre intelligent », à celui qui « s’il voulait… », Mais qui ne voulait pas.
En fait je ne pouvais pas !
La preuve, en Propédeutique, la première année de fac littéraire à l’époque, je n’en pouvais plus. J’étais saturé, vidé. J’en avais pardessus la tête.
J’abandonnais donc et commençais à travailler. Je me souviens de mon premier contact avec mon premier patron : « Quels sont tes diplômes ! »---« J’ai le bac ! »---« Bon, autant dire que tu ne sais rien faire ! ». Que répondre. C’était tellement évident. Le ton n’était même pas méchant. Simplement navré.
C’est ainsi que je commençais une brillante carrière de débardeur dans les sous-sols d’un grand magasin. Mais j’étais très instable. Plus tard je fus employé de bureau, secrétaire dans une auto-école, puis un peu maçon, un peu charpentier, arpette chez un géomètre et pour terminer fonctionnaire.
Là, fatigué de tout je me stabilisais enfin, sidéré par les immenses privilèges de ces gens qui trouvent parfaitement normal et dû : leur papier, leur gomme, leur stylo à bille, leur vélo, leur auto, leur appartement, ce qu’ils avaient dans leur assiette, leurs médicaments… tout, tout était nor-mal.
De mon côté je me sentais en dette envers tous ces gens que j’avais connu et qui suaient sang et eau jour et nuit pour m’offrir l’incroyable civilisation dans laquelle je vivais.
Je faisais donc tout pour me rendre utile à la collectivité et devenais vite un fonctionnaire atypique, pas modèle du tout, original mais… efficace. Je n’étais pas le seul, heureusement, à travailler dans cette optique. Nous devions bien être 6 ou 7 sur 76… un record.
Apres 32 ans de bons, loyaux et originaux services je perdais tout, la même année… Mon travail parce que j’étais à la retraite, ma femme qui venait d’être emportée par un cancer, mon fils qui venait d’être nommé à 900 km, mon chien qui venait de mourir de vieillesse.
La société n’est pas faite pour les gens seuls. Elle les fuit.
Combien de fois seul dans un restaurant je voyais bien que j’étais le point de mire des autres tables et le centre de quelques conversations en panne de sujet intéressant. Combine de fois ai-je mangé sans appétit et les larmes aux yeux.
Solitude, terrible solitude. Quand on ne peut pas partager, les choses n’ont plus aucune saveur. Le plus beau coucher de soleil du monde n’est rien quand on est seul…
Je me suis donc jeté dans une foule d’activité aussi diverses que variées : randonnées, VTT, rollers, planche à voile. Rien à faire ma solitude persistait. Chacun a sa famille, ses proches, ses amitiés. Cet homme seul ou cette femme seule qui vient vers vous est évidemment en manque affectif et va sûrement s’accrocher à vous… danger ! Halte-là ! Stop !
On vous fait vite comprendre que vous êtes un extra-terrestre et que qu’on ne vous acceptera que si vous revenez en couple.
La solitude est quelque chose de terrible. On regarde la vie comme une pâtisserie derrière une vitrine et sans un sou en poche.
Internet m’a sauvé. Ça devrait être remboursé par la sécurité sociale. J’y ai rencontre une francaise, charmante, qui vit en Colombie. Je partage sa vie depuis 6 ans et vous écrit de là-bas.
Je retourne en France chaque été. Ma douce France.
L’écriture a souvent été mon antidépresseur. Ça marchait assez bien.
Je suis retombé récemment sur quelques textes écarts en 1981. Je continue à les trouver jolis. C’est précisément ceux-là que j’envoie. Pourquoi ne pas les faire partager. En navigant sur internet je me suis rendu compte qu’une foule de gens s’intéressait à la poésie. La vie n’est tendre pour personne, et j’ai réalisé tout d’un coup que chacun essayait de l’enjoliver à sa façon et que les hommes depuis la nuit des temps, « poétisaient ».
La prose oui bien sûr. Je peux polir un texte jusqu’à le rendre d’une fluidité absolue, et ce, très rapidement. Je peux.
J’ai écrit deux romans, un à 18 ans, l’autre à 22. Non seulement ils n’excédaient pas 150 pages, mais même s’ils étaient bien écrit ils étaient mauvais. De rage je les ai-jetés.
Je ne suis pas fait pour le roman. Pas du tout. Je suis trop empathique. Je m’identifie trop aux personnages et passé une centaine de pages la charge émotive est trop forte elle me submerge. En fait on n’écrit pas un roman. Une fois les personnages campés et placés dans leur décor, ils agissent eux-mêmes selon leur personnalité et vous entraînent à une vitesse folle. L’écriture a du mal à suivre. C’est épuisant, d’autant plus qu’il faut une mémoire d’éléphant pour se rappeler de tous les tenants et les aboutissants.
Non, je ne suis pas un romancier. Ceux qui le sont, chapeau bas ! C’est réellement un don.
J’ai sans doute le don de la poésie et de la belle prose, mais je n’ai pas celui-là.
Ecrire une œuvre à plusieurs n’est peut-être pas si bête Pourquoi pas… la tache dépassant souvent des capacités « normales ».
J’ai aussi écrit il y a deux ou trois ans, une pièce de théâtre. Pièce qui n’intéresse personne. Elle est pourtant bien écrite et rythmée, pleine de rebondissements, à la fois gaie et romantique… trop romantique sans doute… du coup elle en ressort mièvre.
J’ai écrit malgré moi une pièce de théâtre « poétique », atypique.
Mais elle continue à me plaire. Je la garde. Je pourrais peut-être en faire quelque chose un jour. On ne sait jamais.
Ecrire, je le peux, mais je suis un sprinter, pas un coureur de fond.
Voilà. Tu sais presque tout sur moi.
Je suis absolument étonné et ravi de voir la jeunesse des administrateurs de ce site.
Quelle maturité, chapeau !
Tiens, je viens de sortir ce poème de mes cartons. Il me résume assez bien.
Hommage à la vie
J’ai couru dans les bois, dans les champs, par les plaines,
J’ai franchi des montagnes et bu l’eau des fontaines,
J’ai sauté l’horizon de mers caracolantes
Et dormi sur la plage où souffle l’alizé.
J’ai connu les vallées sèches ou verdoyantes,
Les déserts infinis, les villes surpeuplées.
J’ai vu des gens sourire ou bien rire ou pleurer.
J’ai eu des amis vrais, des faux et des valets.
J’ai connu de ces femmes qu’on ne peut oublier,
Des enfants attachants, des vieillards hébétés
Et d’autres plus fringants que des jeunes mariés.
J’ai vu la mort de près, de loin, je l’ai croisée.
J’ai donné ma chemise, parlé à des gitans,
Travaillé en usine, au bureau, au chantier, dans les champs,
Rencontré des gens riches et d’autres très puissants,
Et de fiers vagabonds plus libres que le vent.
Le courage ou la peur, la faim, la satiété,
Le matin qui bleuit, le soir ensanglanté…
Tout cela je connais…je connais…je connais…
Et pourtant je sais bien
Qu’en fait
Je ne sais rien.
Avec tous mes remerciements et toute mon amitié.
Christian